« Le saint de Savières », de Gabriel Maurière
Connaissez-vous l’histoire du « saint » de Savières ?
Dans ce village aubois, situé non loin de Troyes, un berger connut vers 1770 une popularité qu’on aurait peine à croire si des documents officiels n’avaient été là pour l’attester. Au plus fort de sa vogue, Pierre Richard — à qui l’on prêtait le pouvoir de guérir miraculeusement les souffrants — attira à Savières plusieurs centaines de pèlerins chaque jour, venus des quatre coins du royaume. Le phénomène, qui engendrait de plus en plus de troubles à l’ordre public, remonta en plus haut lieu, d’abord au subdélégué de Troyes, puis à l’intendant de Châlons, jusqu’au ministre Bertin et même, dit-on, au roi Louis XV en personne.
C’est cette histoire rocambolesque et quasi fabuleuse que raconta, non sans une pointe d’humour, le romancier aubois Gabriel Maurière dans « Le saint de Savières ». Texte un peu à part dans l’œuvre de Maurière, écrit peu avant sa mort en 1930, cette biographie romancée n’avait jamais été publiée en volume jusqu’à maintenant.
Vous pourrez découvrir dans quelques jours ce troisième volet de la collection « romans champenois » dans une édition complétée de quelques documents d’époque et de la chronique qu’en fit en 1773 l’écrivain troyen Pierre-Jean Grosley.
Un livre qui vient s’ajouter au roman « A la gloire de la terre » du même auteur, réédité l’an dernier.
Extrait :
« Le Champenois est bavard. Bavard afin peut-être de ne rien dire de lui-même et de ses affaires ; taciturne dans sa diplomatie personnelle, il est grand conteur d’anecdotes, daubeur, mystificateur au besoin… C’est de ce besoin de causer et d’étonner que naquit la grande réputation du saint de Savières. Un jour un habitant de Troyes allant en Brie emmenait avec lui un ami qui, dans la diligence voyageait en robe de chambre, pour sa commodité. Après Savières, au relais de Mesgrigny, il descendit un moment pour se dégourdir les jambes… Des nez curieux se tournèrent vers lui… Un des clients de l’auberge ne put se tenir de dire :
— Monsieur est malade ?
— C’est-à-dire qu’il l’était il y a deux jours, reprit son ami, à qui une idée saugrenue traversa l’esprit.
— Et il est guéri ?
— En deux minutes ! Depuis des années, il ne marchait pas. Il avait quelque chose dans les reins ; un nerf de noué. Enfin je ne sais quoi. Il va chez Pierre Richard qui le regarde, lui donne une fiole… Et voilà mon homme. »
Gabriel Maurière